22.02.2024 - de Plan International Suisse

Les filles dans l'ombre de la guerre : La crise cachée de santé mentale en Ukraine

Deux ans après l'escalade du conflit en Ukraine, la guerre a un impact profond sur la santé mentale des jeunes. Qu'elles soient incapables de dormir de peur d'être bombardées, que leurs familles et leurs ami·e·s leur manquent ou qu'elles soient confrontées à des problèmes de santé complexes, trois jeunes femmes - Maria, Evelina et Veronica - touchées par la guerre en Ukraine nous ont parlé avec courage et sincérité du tribut que le conflit a prélevé sur leur santé mentale.

Maria, 17 ans, est originaire de la ville de Mykolaiv, dans le sud de l'Ukraine, qui se trouvait sur la ligne de front de la guerre et continue d'être la cible d'attaques de missiles. « Être une adolescente aujourd'hui, même quand on a 17 ans, c'est se sentir beaucoup plus vielle que son âge réel. Je pense que nous sommes des adultes. Mais nous avons aussi parfois besoin de soutien, car nous sommes confrontées à des défis et à des responsabilités que nous n'avions pas auparavant. »


Maria de Mykolaiv dans le sud de l'Ukraine. Photo: Plan International

En traversant le centre-ville, on peut encore voir les vestiges de ces attaques. Depuis l'escalade de la guerre, toutes les écoles de Mykolaiv sont fermées pour des raisons de sécurité. En dehors de l'école, les jeunes trouvent d'autres moyens d'occuper leur temps. « Beaucoup de garçons que je connais travaillent actuellement pour gagner de l'argent et aider leur famille », explique Maria. « Certains veulent s'engager dans l'armée. Il est inhabituel d'entendre un garçon de 15 ans prêt à risquer sa vie pour la sécurité de ses proches. Pour moi, c'est une pensée inhabituelle. Mais beaucoup de filles veulent aussi aider en se portant volontaires, en aidant l'armée ou en faisant des dons. Je le comprends -  que je reste éveillée la nuit en écoutant les explosions, je me dis que j'aimerais aller aider, même si c'est risqué ».

La plupart des ami·e·s de Maria vivent aujourd'hui à l'étranger, après avoir fui les bombes avec leur famille. « Plusieurs de mes ami·e·s veulent revenir. J'ai un ami qui regarde les rues autour d'ici sur Google Maps, où les photos sont anciennes, datant d'environ 2008 ou 2009, et qui les compare à ce que l'on voit aujourd'hui. Cela donne un sentiment de nostalgie très fort et très important ».

« Parfois, il s'agit juste d'être entendu »

Maria a pu trouver le soutien dont elle avait besoin en participant à des activités éducatives organisées par « SavED », le partenaire de Plan International, qui donne aux enfants et aux jeunes l'occasion d'interagir en personne. « Nous avons besoin de plus de soutien psychosocial pour les adolescent·e·s, et nous devons absolument avoir plus de possibilités d'aller à l'école. L'éducation est la première priorité à l'heure actuelle. »

« Nous avons également besoin de plus d'espaces en ligne gratuits où les adolescent·e·s peuvent parler librement de leurs problèmes et exprimer leurs sentiments. Il ne s'agit pas toujours de bénéficier d'un soutien psychosocial hautement qualifié. Parfois, il s'agit simplement d'être entendu, de partager son expérience et d'être soutenu. Et d'entendre que vous vous débrouillez très bien pour gérer cette situation et les défis auxquels vous êtes confrontés chaque jour ».

Veronica travaille comme bénévole dans un centre pour enfants et jeunes à Kiev. Photo: Plan International

Centres pour enfants et adolescent·e·s

À Kiev, nous rencontrons Veronica, 17 ans, bénévole dans un espace ami des enfants géré par l'ONG ukrainienne « Istok » avec le soutien de Plan International. Ce centre est une bouée de sauvetage pour les enfants, les adolescent·e·s et leurs parents. Il offre un soutien psychosocial adapté aux enfants et à leurs parents, ainsi qu'un apprentissage informel et des activités sociales pour les enfants et les adolescent·e·s.

« Lorsque j'ai déménagé, c'était très difficile. Mais maintenant, j'ai rencontré beaucoup d'ami·e·s et de gens sympas ici [au centre] et je peux parler avec eux. Maintenant que j'ai des amis ici, c'est beaucoup plus facile de faire des choses nouvelles et intéressantes dans ma vie. Ce centre m'a aussi beaucoup aidé parce qu'on peut y obtenir un soutien psychosocial, y compris l'aide d'un·e conseiller·ère ».

Veronica nous dit que la consultation a été très importante pour l'aider à se remettre du traumatisme d'avoir été déplacée de sa maison et de la peur d'être bombardée. « Nous pouvons exprimer nos sentiments et, en même temps, travailler sur nos problèmes et nous développer, en faisant des pas en avant pour mener une vie meilleure en les résolvant ».

Le soutien psychologique est une priorité absolue

Evelina, 17 ans, est arrivée en Pologne le 6 mars 2022 et vit maintenant dans un village non loin de Cracovie. Vivre avec une infirmité motrice cérébrale ajoute une complexitée supplémentaire à sa vie quotidienne, mais elle refuse de laisser son handicap la freiner. « Je suis une fille avec des problèmes de santé, mais j'ai toujours un rêve. Je rêve d'entrer dans la police pour être au service des gens. J'en ai assez de ne rien faire - je pense que j'ai beaucoup de puissance intellectuelle et émotionnelle. Je veux que cette énergie contribue au travail d'une policière ». 

Le conflit a eu des répercussions sur le bien-être mental d'Evelina, qui souffre de crises de panique et supporte mal les bruits forts. « Pour moi, il a été difficile de m'habituer au stress.  Par exemple, dans les environnements bruyants de la vie quotidienne, j'ai tout le temps peur alors que les gens normaux vont bien. »

Pour Evelina, en Pologne, son réseau de soutien a pris la forme de « Patchwork », une ONG locale fondée par quatre mères ukrainiennes. Grâce au financement de Plan International, l'organisation a élargi son soutien aux enfants vivant avec un handicap ukrainiens et de la communauté locale, afin qu'ils puissent s'épanouir dans un environnement sûr et protecteur, et accéder à l'éducation et aux services de protection de l'enfance.

Evelina vit avec une paralysie cérébrale près de Cracovie, en Pologne. Photo: Plan International

« Je suis actuellement inscrite en neuvième année à l'école [comme beaucoup d'enfants ukrainiens, Evelina est toujours inscrite dans son école de Kiev, spécialisée dans l'enseignement aux enfants handicapés, et poursuit ses études à distance]. J'ai appris en ligne avec ma famille, à l'aide de livres, principalement en autodidacte. » Ses ami·e·s d'Ukraine lui manquent, mais Evelina a pu s'en faire de nouveaux au centre Patchwork, qu'elle fréquente régulièrement. Evelina espère que la guerre sera bientôt terminée. « Je voudrais dire à tous les enfants que si vous voulez faire quelque chose, quel que soit votre âge, vos capacités ou votre sexe, ayez le courage de le faire et poursuivez vos rêves».

L'impact de la guerre sur la santé mentale risque d'avoir des conséquences pendant de nombreuses années. Dans les quatre pays - Ukraine, Moldavie, Pologne et Roumanie - où la réponse de Plan International à l'Ukraine est mise en œuvre, l'accès à la santé mentale et au soutien psychosocial pour les enfants, les jeunes et leurs familles est une priorité.

Faites un don au fonds d'aide d'urgence pour que les personnes touchées par la guerre puissent recevoir l'aide psychosociale dont elles ont besoin.